Face à l’essor de l’intelligence artificielle, les entreprises doivent repenser leur stratégie RSE pour intégrer de nouveau enjeux. Environnement, social, gouvernance : comment aborder l’IA de façon responsable et en faire un outil utile, sans dérives ?

©steve-johnson Unsplash
L’intelligence artificielle (IA) bouleverse déjà les organisations : automatisation de certaines tâches, nouveaux usages, innovations métiers… Mais elle questionne aussi profondément les valeurs et les engagements RSE des entreprises. Si l’IA peut être un formidable accélérateur de performance, elle génère aussi des impacts environnementaux, sociaux et éthiques dont il faut avoir conscience. Pour les responsables RSE, QSE, RH, dirigeants ou formateurs RSE, la question n’est déjà plus : faut-il utiliser l’IA ? mais plutôt : comment l’intégrer de manière responsable et alignée avec nos engagements ?
Cet article vous aide à clarifier la place que peut occuper l’IA dans votre stratégie RSE et comment en assurer une gestion durable, encadrée et transparente.
L’IA bouscule les trois piliers de la RSE
Environnement : une technologie énergivore à encadrer
L’un des premiers enjeux concerne l’impact environnemental de l'IA. L’IA est fortement consommatrice d'énergie, notamment lors :
- de l’entraînement des modèles,
- de l’inférence (leur utilisation au quotidien),
- du stockage massif de données.
En 2022, le numérique représentait déjà 4,4 % de l’empreinte carbone nationale en France et 11 % de la consommation électrique nationale1. Or, les centres de données (data centers) — qui hébergent notamment les services IA, cloud, etc. — représentent 46 % de l’empreinte carbone du numérique (contre 16 % en 2020). L'essor de l'IA a eu un impact direct sur le développement des data centers et des émissions liées au numérique. Les modèles génératifs, en particulier, nécessitent une puissance de calcul considérable.
Pour limiter l’impact carbone de l’IA, les entreprises ont plusieurs leviers :
- choisir des fournisseurs cloud engagés dans les énergies renouvelables,
- privilégier des modèles « frugaux » ou spécialisés plutôt que des IA massives,
- limiter les usages superflus de l’IA,
- mesurer leur empreinte numérique.
La sobriété numérique doit devenir un principe clé : l’IA doit être utilisée là où elle apporte réellement une valeur ajoutée.
Social : transformations des métiers et nouvelles attentes
L’IA impacte profondément les salariés. Certaines tâches répétitives sont automatisées, les métiers évoluent, de nouvelles compétences deviennent nécessaires. Sans anticipation, cela peut générer au sein de l'entreprise de l’inquiétude, des risques psychosociaux, un sentiment de dévalorisation chez certains salariés, mais aussi des déséquilibres dans les équipes, entre ceux qui ont su “se mettre à la page” et ceux qui se sentent plus éloignés des outils IA.
Le rôle de la RSE et des RH est ici essentiel :
- accompagner les salariés,
- communiquer de manière transparente,
- proposer des parcours de formation adaptés,
- rassurer en rappelant le rôle complémentaire de l’humain.
La GPEC (gestion prévisionnelle des emplois et compétences) est un levier clé pour préparer l’évolution des postes et soutenir les collaborateurs.
Gouvernance : données, éthique et transparence
Le troisième pilier de la RSE, la gouvernance, est peut-être celui où les enjeux liés à l’IA sont les plus visibles. On y retrouve :
- la gestion responsable des données,
- les risques de biais algorithmiques,
- les problématiques de transparence et d’explicabilité,
- la conformité réglementaire (dont le RGPD et l’AI Act européen).
Les entreprises doivent donc définir des règles claires et mettre en place une gouvernance adaptée :
- chartes internes d’usage de l’IA,
- comités IA & éthique,
- processus de validation des cas d’usage,
- évaluations régulières des risques.
En effet, une utilisation de l'IA mal maîtrisée en entreprise peut devenir un risque majeur de réputation, de conformité ou même de sécurité.

Comment intégrer les enjeux de l'IA dans sa stratégie RSE ?
Vous l'aurez compris, l'IA ne peut pas rester un sujet “à part” tant ce nouvel outil a d'impact à tous les niveaux de l'entreprise et tant il crée de nouveaux défis à relever en terme de RSE. Voici donc quelques pistes pour intégrer ces enjeux dans votre politique RSE.
1.Définir une politique IA responsable
L’entreprise doit clarifier les usages autorisés, interdits ou sensibles via une charte IA et des lignes directrices internes. L'objectif est de créer un cadre éthique aligné avec les valeurs et engagements RSE.
Idéalement, ces règles doivent couvrir :
- le respect des données,
- la vérification des sources,
- les limites d’usage (confidentialité, production de documents officiels, etc.),
- les niveaux d’exigence environnementale.
2. Choisir des solutions et infrastructures bas carbone
On l'a vu, les enjeux environnementaux liés au développement de l'IA sont immenses. Son développement dans une entreprise peut par exemple compromettre la réalisation de la trajectoire de décarbonation en faisant grimper les émissions carbones liées au numérique. Il est donc important de faire dès aujourd'hui les bons choix.
Sachant que l’impact environnemental de l'IA varie considérablement selon l’emplacement des serveurs, leur alimentation (renouvelable ou non) et la technologie utilisée, il y a quelques bonnes pratiques à intégrer :
- préférer des data centers localisés en Europe et certifiés,
- privilégier des modèles optimisés ou spécialisés,
- réduire les appels inutiles aux modèles génératifs (voir la partie formation des usagers),
- intégrer l’impact IA dans les bilans carbone et analyses de cycle de vie.

©unsplash
3. Former et accompagner les équipes
L’adoption sereine de l’IA passe par la montée en compétences des équipes, pour démystifier d'abord, pour leur permettre d'être plus à l'aise avec ces outils et d'en discerner le vrai potentiel dans leur poste, mais aussi et surtout pour passer les bons messages quant à un usage raisonné de l'IA.
Une formation efficace sur l'IA permettra ainsi de balayer les sujets suivants :
- formation aux outils IA,
- formation aux enjeux éthiques,
- sensibilisation aux dérives possibles (confidentialité, biais, hallucinations…).
Cette démarche permet de rassurer, de limiter les usages inadaptés et de favoriser un cadre homogène et responsable.
La Fresque du Numérique, outil de sensibilisation très efficace, en intelligence collective, sur ces enjeux a intégré l'IA dans les thèmes abordés.
4. Mettre en place une gouvernance IA solide
L'IA concentrant de nombreuses problématiques éthiques, de transparence et de gestion de données, il esy important que le pilier Gouvernance de votre politique RSE intègre ces enjeux. Voici plusieurs actions possibles pour les traiter efficacement :
- création d’un comité IA & éthique,
- validation systématique des cas d’usage sensibles,
- suivi de l’impact environnemental,
- évaluation des risques sociétaux et juridiques,
- communication interne régulière.
Une gouvernance claire évite les dérives, renforce la transparence et améliore l’acceptabilité de l’IA en interne.
Est-ce que l’IA peut être un outil au service de la RSE ?
Oui, comme dans beaucoup de métiers, l’IA peut devenir un allié pour les responsables RSE.
En effet, elle permettra d'automatiser ds tâches répétitives et, bien intégrée, de faciliter le reporting et la remontée des données pour le bilan carbone par exemple. L'IA peut aussi vous aider à assurer une veille réglementaire.
Mais les responsables RSE doivent eux-mêmes incarner une utilisation raisonnée de l’IA :
- limiter les sollicitations inutiles des modèles génératifs,
- privilégier les outils sobres,
- rappeler que l’IA n’est pas toujours nécessaire,
- montrer l’exemple en matière de sobriété numérique.
L’exemplarité est indispensable pour renforcer la crédibilité du discours interne sur une IA responsable.
L’IA est à la fois un outil puissant et un enjeu RSE majeur. Son intégration nécessite une réflexion globale sur ses impacts environnementaux, sociaux et éthiques. Responsables RSE, QSE, RH et dirigeants ont donc un rôle central : définir les règles, anticiper les évolutions, accompagner les équipes et encourager une utilisation raisonnée, transparente et alignée avec les engagements de l’entreprise.
